Maya le tigre redevenu chaton!
Nous vous présentons aujourd'hui un cas clinique de comportement félin!
Nous avons reçu en consultation de comportement la jeune Maya (1.5 ans), qui nous a été référée pour agressivité violente et soudaine envers ses maîtres, à plusieurs reprises, et sans symptômes précurseurs.
La violence des agressions était telle que ses maîtres vivaient terrorisés chez eux, à l'affût du moindre mouvement suspect de la part de celle qui auparavant était une chatte normale.
La prise en charge en comportement a permit de rétablir une situation sub-normale à ce jour, en attendant le suivi.

Antécédents : Maya a fait une chute du deuxième étage lorsqu'elle était chaton (en août 2024). Un examen clinique réalisé à l'époque n'avait révélé aucune anomalie.
Bilan des symptômes :
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Alimentation : une des agressions a eu lieu dans un contexte d'accès à la nourriture, sans certitude quant au lien de cause à effet. Maya possède une satiété et est nourrie ad libithum ;
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Elimination : miction émotionnelle lors de la première agression :
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Sommeil : hyposomnie, hypervigilance :
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Développement : en milieu enrichi, famille avec enfants, mère présente et sociable ;
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Autocontrôles : le contrôle de la morsure et de la griffure étaient parfaitement acquis avant les agressions. La locomotion est calme et contrôlée ;
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Exploration : hypervigilance marquée aux bruits, se manifestant par une queue qui se hérisse (piloérection) et des sursauts. En consultation l'exploration est normale. Absence de marquage observé en consultation ;
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Attachement : Maya ne présente pas de symptômes liés à l'absence des ses maîtres. En consultation, elle utilise ses propriétaires comme base de sécurité, se réfugiant près d'elles lorsqu'elle est surprise (par le bruit de la chaise du vétérinaire) ;
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Examen clinique : Maya explore normalement la salle après une première période d'observation depuis sa caisse de transport. Elle se laisse prendre et peser, mais tenue plus fermement pour l'examen clinique elle se crispe et menace, ce qui déclenche une réaction de peur intense chez ses maîtresses. L'examen ne sera pas réalisable au vu du contexte. Maya présente une mydriase (pupilles dilatées) marquée. Aucune autre anomalie n'est observée lors de la consultation initiale ;
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Agressions :
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En mai cette année, alors que Maya observait depuis le rebord de la fenêtre, sa maîtresse a voulu la prendre. Maya s'est retournée et l'a attaquée, la griffant à plusieurs reprises, alors que sa maîtresse tentait de la repousser. Maya crachait et feulait, présentant des pupilles dilatées (mydriase), et a uriné (miction émotionnelle). Sa maîtresse a réussi à la prendre et l'enfermer dans une chambre où Maya s'est réfugiée sous le lit, il a fallut plusieurs jours pour qu'elle redevienne normale. Agression par peur avec perte totale de contrôle.
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Le Dimanche précédent la consultation, alors que ses maîtresses préparaient à manger, Maya est montée sur le plan de travail. sa maîtresse a voulu l'en faire descendre, Maya s'est retournée et l'a griffée et mordue, causant des plaies au menton et à la main. Une fois posée au sol, Maya a regardé sa maîtresse pupilles dilatées (mydriase), et a de nouveau feulé. Elle n'est pas vraiment redevenue elle-même ensuite. Agression par irritation.
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Le lendemain, lundi, alors que les enfants faisaient leurs devoirs calmement dans le salon, Maya a brutalement sauté sur sa jeune maîtresse, la griffant en la tenant au bassin, causant des blessures. La jeune fille s'est réfugiée dans sa chambre. Maya restait queue hérissée et miaulait beaucoup. Agression par irritation, contexte?
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Avant ces agressions, deux épisodes de menace envers le fils aîné sont décrits : alors qu'il s'approchait pour la caresser, Maya a craché et sa queue s'est ébouriffée. Il n'a pas poursuivi l'interaction, qui n'a pas eu d'autre conséquences.
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Hypothèses diagnostiques
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Schézipathie interspécifique (affection de la relation avec les propriétaires) post-traumatique suite à l'agression par peur (en mai 2025)
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Suspicion de Dysthymie non confirmable à ce stade
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en état anxieux intermittent.
Pronostic : Le pronostic est réservé en raison de la gravité et du caractère imprévisible des agressions, ainsi que de l'atteinte de la relation installée (peur des propriétaires envers leur chatte). Cependant, plusieurs éléments sont favorables : la forte motivation des maîtres à trouver des solutions, la persistance d'un lien d'attachement fort (Maya utilise ses propriétaires comme base de sécurité et recherche leur contact en dehors des crises), et la réponse positive observée précédemment avec l'utilisation de phéromones apaisantes. L'amélioration dépendra de l'application rigoureuse des mesures comportementales et environnementales, de la réponse au traitement médical, et de la capacité à reconstruire un lien de confiance.
Prise en charge
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médicale : prescription de gabapentine et venlaflaxine à faire prendre dans la pâtée ; phéromones et/ou huiles essentielles en diffuseurs dans la pièce
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comportementale :
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Création d'une chambre refuge, objectif de mise en sécurité et restriction d'espace : aménager une chambre pour Maya et l'y enfermer pour qu'elle reprenne ses marques en environnement plus restreint ;
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Gestion des interactions et reconstruction de la confiance bilatérale : arrêt des interactions contraintes, proposer les caresses sans les imposer, s'assurer de leur acceptation ;
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Redirection et désamorçages des agressions dès les premiers signaux d'agacement (mydriase, piloérection, mise à distance, menaces,...)
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Suivi quotidien par mail pendant 2 semaines, consultation de suivi au bout d'un mois.
Suivi à la maison
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Maya a pris la gabapentine dans la pâtée. La venlaflaxine n'a pas encore été mise en place. Elle a semblé sédatée pendant 24h par la gabapentine, puis de nouveau semble désorientée et la mydriase est toujours présente. Depuis elle refuse de manger s'il y a des médicaments dans l'aliment, ses maîtres n'osent ni la forcer ni l'approcher.
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En raison de la peur que le moindre mouvement de Maya suscite chez ses maîtres, il est décidé de l'hospitaliser le temps que la pression redescende pour tout le monde.
Suivi en hospitalisation
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Les premiers jours sont difficiles. Maya présente une hypervigilance, des sursauts, mydriase permanente, anorexie, absence de sommeil, menaces et agressions aux tentatives d’interactions. L'administration du traitement venlaflaxine est compliquée, elle ne le prend pas spontanément dans l'alimentation car elle ne mange pas, une administration conjointe de venlaflaxine et gabapentine par voie orale forcée est réalisée mais au vu du stress provoqué il n'est pas envisageable de la renouveler. L'effet des deux médicaments n'est pas suffisant en une seule prise pour pouvoir manipuler sereinement Maya.
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Avec l'accord des propriétaires, il est décidé de la sédater et de la sonder par voie nasale, une fois, pour la nourrir et lui administrer le traitement de venlaflaxine seul, à dose maximale.
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Suite à l'unique sondage naso-gastrique, Maya remange, et prend le traitement le lendemain dans une pâtée qui lui plaît. Cet aliment est conservé pour lui donner uniquement son traitement, les soins de Maya sont confiés à une ASV unique pour qu'elle puisse créer un lien.
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Cette procédure est prolongée sur la semaine, Maya se détend progressivement, commence à manger en journée, mais le sommeil reste absent. La mydriase s'estompe en fin de semaine, elle tolère un contact léger quand on la nourrit, commence à jouer. Elle ne reste plus cachée au fond de la cage en haut et descend de plus en plus fréquemment qu'on soit là ou non.




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Après avoir fait le point avec les propriétaires une deuxième semaine d'hospitalisation est convenue afin de pouvoir continuer l'administration du traitement et de voir si les progrès persistent.
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Durant cette deuxième semaine Maya continue de se détendre, les sursauts s'estompent puis disparaissent en fin de semaine. La mydriase se normalise, Maya ne va presque plus se cacher en haut de sa cage, l'appétit est revenu et le traitement toujours bien pris dans la pâtée réservée à cet effet. Elle commence à se coucher et enfin dormir.
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Une sortie de la cage d'hospitalisation est tentée dès le lundi. D'abord quelques minutes en chatterie, au risque de ne pas pouvoir la reprendre facilement. Tout se passe bien, les sorties sont renouvelées et de plus en plus longues.
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Pour le week-end suivant, les progrès étant sont considérables et qu'elle se laisse désormais facilement manipuler, il est décidé d'installer Maya dans espace plus grand (studio) afin de voir comment elle se comporte. Tout s'est très bien passé et Maya a fortement apprécié ce semblant de liberté retrouvée. Elle prend rapidement ses marques. Elle est demandeuse de câlins et d'interactions. Elle a pu être descendue de la table en la portant alors qu'il y avait de la nourriture, contexte qui avait causé une agression deux semaines auparavant.


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Un retour à la maison a été convenu le lundi suivant. La restriction d'espace chez elle, dans une chambre, est organisée, pour une continuité avec la thérapie réalisée à la clinique.
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A ce jour Maya prend toujours bien son traitement avec sa propriétaire qui a continué de lui donner dans la pâtée réservée à cet effet. On espère que les progrès continuent dans le temps et qu'humains et chat pourront cohabiter sereinement.
Les troubles du comportement sont plus fréquents qu'on ne le pense, chez le chat aussi ! et des solutions existent, comportementales strictes ou soutenues par un traitement médical. Patience et motivation sont nécessaires pour réussir à renouer un lien progressivement au rythme de l'animal, sans jamais le brusquer au risque de perdre tout ce qui a été fait jusque là.